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Israël n’a aucun avenir dans la région - Interview de Ramadan Shallah, secrétaire général du Jihad islamique


Question : soixante ans après la création de l’Etat d’Israël, qu’est-ce qui a changé quant la vision israélienne d’abord de son existence dans la région, du point de vue stratégique, et sa vision ensuite de la paix avec les Palestiniens et les Arabes, plus généralement ?

R. Shallah : A notre avis, concernant la vision israélienne relative à l’existence de l’entité israélienne dans la région, nous pouvons distinguer trois étapes essentielles : la première est celle du refus absolu d’Israël, où le conflit était dénommé conflit arabo-israélien. Cette étape fut caractérisée par l’unanimité de la nation à refuser l’existence d’Israël, malgré les failles limitées réalisées par Israël en nouant des relations secrètes avec quelques parties arabes. Mais ces failles n’ont pas changé la réalité de cette étape, qui est celle du refus absolu, où le fait de contacter Israël était considéré comme une trahison suprême. La seconde étape commence en 1979, avec la signature par Sadate du traité de paix avec Israël. Dès cette date, certains marquent la fin de ce qui a été dénommé le conflit arabo-sioniste ou israélien, et le début de ce qui a été appelé le conflit palestino-israélien. Au cours de cette étape, le régime arabe est sorti du conflit, et la région est entrée dans ce que nous pouvons appeler la reconnaissance ou l’admission d’Israël par la contrainte. Cette reconnaissance débuta avec Sadate et atteint son apogée avec la signature de l’accord d’Oslo, suivi par d’autres Etats arabes qui signaient des accords officiels, ou établissaient des relations non officielles avec Israël. C’est l’étape dominante jusqu’à présent. Mais il y a aussi une autre étape, dans la conscience ou l’imaginaire israélien, qui n’a pas commencé, celle de l’admission d’Israël volontairement, dans le sens où l’image d’Israël, en tant qu’Etat envahisseur, étranger et implanté dans le cœur de la nation, malgré elle, soit supprimé de la conscience des peuples et des dirigeants de la région, et qu’il soit perçu comme un Etat normal, voisin, ami, comme tout autre pays arabe ou musulman. C’est le prix qu’Israël veut obtenir pour faire la paix dans la région, selon la vision israélienne. La paix qui se base sur la liquidation de la question palestinienne et l’ancrage d’Israël en tant que grande puissance dans le cœur de la région.

Mais, malheureusement pour Israël et ses alliés, le projet de règlement dont il a rêvé pour parvenir à la troisième étape a fait face à une résistance et un refus puissants, et même plus, car la région a assisté, avec les mouvements de la résistance islamique, à un retour à l’étape du refus absolu d’Israël. Dans le cadre de la lutte entre deux visions dans la région, le refus absolu ou l’acceptation absolue d’Israël, l’entité sioniste a reçu des coups douloureux lors de la victoire de la résistance au Liban en 2000, le déclenchement de l’intifada al-Aqsa en 2000 et la défaite cuisante lors de la guerre de juilllet 2006, au Liban… Tout ceci a porté un coup au prestige d’Israël et de son armée, en touchant à la force de frappe israélienne, modifiant du coup la priorité d’Israël, et décevant ceux qui appelaient à un règlement en comptant sur lui.

Le sentiment d’être étranger dans la région et la peur de l’avenir rendent Israël incapable de payer le moindre prix pour la paix à laquelle les Arabes ont appelé par le biais de l’initiative arabe. Donc, les priorités israéliennes dans la région consistent à récupérer sa force de frappe militaire, à élargir la zone de son acceptation par la contrainte, et la réalisation de nouvelles failles dans le corps arabe. Il regarde du côté des pays du Golfe, et notamment de l’Arabie saoudite, pour réaliser un alliance américano-israélo-arabe pour faire face aux forces de la résistance et du refus, représentées par l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, Hamas, le Jihad islamique et les autres organisations de la résistance en Palestine, se préparant à une guerre pour récupérer son prestige sioniste dans la région.

En résumé, nous pouvons dire qu’Israël, soixante ans après sa création, se prépare à mener de nouvelles guerres, non à faire la paix. Il n’est pas nécessaire que la guerre éclate demain ou dans quelques mois, mais cette guerre est inéluctable, à notre avis, et le moment zéro sera atteint lorsqu’il sentira que le prix à payer pour maintenir la situation actuelle, avec le danger pour sa sécurité que cela comporte, sera plus élevé qu’une guerre régionale qu’il déclencherait. A notre avis, Israël n’est pas encore parvenu à ce point, mais nous considérons qu’il l’atteindra.

Question : D’une manière concrète, existe-t-il des facteurs ou des éléments dans les deux milieux, social et institutionnel, gouvernant en Israël, qui peuvent faire croire, dix ou cent après, à la possibilité de coexistence réelle entre deux Etats, un palestinien et un israélien, surtout qu’Israël envisage, stratégiquement, de faire de son entité un Etat juif ?

R. Shallah : Il ne peut y avoir aucune coexistence pacifique avec l’Etat israélien, et les rapports de force actuels ne génèrent pas une paix, mais une soumission dont les conditions sont imposées par la partie forte sur la partie faible. L’entité n’est pas séparée, au niveau de sa société et ses institutions, de la vision sur laquelle est basé le projet sioniste, qui est un projet de déni de l’autre, qui a fondé son entité d’une part sur des mythes, et de l’autre, sur le feu, le fer et le sang, la violence et la terreur. A partir de la nature belliqueuse et conflictuelle du projet sioniste, Israël refuse la paix, comme l’a prouvé l’expérience. Il a refusé tous les projets de règlement malgré leur bas niveau et les concessions obtenues. Israël refuse l’initiative arabe qui lui a cependant promis de vivre tel un Etat naturel et légal dans la région en contrepartie de son retrait du Golan, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, seulement. Il a nié les accords d’Oslo qui furent une catastrophe pour le peuple palestinien, et a même refusé la « feuille de route » qui est fondamentalement un projet sécuritaire de destruction de la résistance palestinienne. Finalement, il refuse le processus d’Anapolis offert par les Arabes et y a répondu par la construction de milliers d’unités de colonisation dans al-Quds et ses environs. Donc, parier sur la paix avec Israël est un pari sur l’illusion et le mirage, car ce qui s’appelle processus de paix au moyen-Orient, comme l’a expliqué un écrivain et politicien juif américain, Henri Sigman, est « la tromperie la plus excitante dans l’histoire diplomatique contemporaine ». C’est un grand mensonge qui a fait croire que les Palestiniens obtiendront un Etat dans les limites des frontières de 67. Aujourd’hui, ce mensonge est dévoilé et il est devenu clair que « l’Etat palestinien » supposé dont ils parlent est « l’Etat des intérêts sionistes » qui non seulement n’accorde pas aux Palestiniens un Etat en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, mais prive 4 millions de réfugiés de retourner à leur pays, et menace d’expulser près d’un million et demi de Palestiniens qui vivent dans la Palestine occupée en 1948.

Pour résumer, l’idée de la coexistence sur la base des deux Etats est finie, et Israël et les Etats-Unis, en proposant l’idée de l’Etat Juif, coupent la route à ce qui s’appelle la solution d’un seul Etat. Donc le conflit se poursuit.

Question : quelle est votre vision quant à l’avenir d’Israël dans la région ?

R. Shallah : J’affirme catégoriquement qu’Israël n’a aucun avenir dans cette région, mais pour répondre à cette question, il n’est pas important de savoir comment nous, nous voyons l’avenir d’Israël. L’image du Super Israël, implanté dans la terre comme si cela était un décret divin auquel nul ne peut s’opposer, dans l’esprit de ceux qui en ont peur, de lui et des Etats-Unis, ne leur a pas laissé l’occasion d’écouter notre point de vue ou de lire notre vision sur l’avenir d’Israël, surtout lorsqu’ils y perçoivent les traces du Coran ou de l’histoire. C’est pourquoi il est nécessaire d’étudier d’abord comment Israël et ses alliés et amis voient son avenir, cela nous rapprochera probablement d’une lecture objective sur l’avenir de cette entité. Il ne fait aucun doute qu’Israël réalise qu’il a atteint sa soixantième année dans la région et qu’il a dépassé toutes les tempêtes qui ont essayé de l’en extraire, et a même fait subir des défaites à ses ennemis. Mais il ne nie pas être entré dans la phase de vieillesse, dont les signes apparaissent dans les défaites, même limitées, qu’il a subi au Liban et en Palestine. Ils commencent à parler de danger existentiel, et même la fin d’Israël devient une idée partagée. A aucun moment encore de l’histoire de cette entité, ses dirigeants n’ont ressenti un danger planant sur l’existence et l’avenir de leur Etat comme c’est le cas aujourd’hui. C’est de cette manière qu’en parlent les politiciens, les intellectuels, les historiens, les journalistes, les élites de cette entité et des Etats qui le soutiennent, dans le monde aujourd’hui. C’est de cette manière qu’en a parlé le journaliste américain Jeffrey Goldberg dans une série d’articles, disant : « je suis inquiet sur l’avenir d’Israël au cours des dix ou quinze prochaines années » et demande aux Israéliens de commencer à poser les questions décisives, telles que l’utilité du projet sioniste, est-ce qu’il a été bénéfique ou non ? Est-ce qu’Israël est viable ou non ? Peut-il vivre dans un milieu hostile dont les peuples ne supportent pas sa présence et ne souhaitent pas en entendre parler ? Ce sont des questions posées aussi par Abraham Burg et d’autres Israéliens, ou des amis et alliés d’Israël dans le monde. Deux journalistes américains avaient publié un rapport le 2 avril 2002 (soit avant même la défaite de juillet 2006) dans Newsweek, disant : « beaucoup de juifs pensent que l’avenir et la place d’Israël dans le moyen-Orient sont menacés aujourd’hui, comme il n’a jamais été. Est-ce que l’Etat juif va rester en vie ? A quel prix ? Avec quelle identité ? Peut-il jamais connaître la paix ? » L’historien juif Amos Aylon, dans une autre étude parue le 17 mai 2002 répond à ce genre de questions, disant : « je suis désespéré car je crains que la question ne soit finie… puis il poursuit déclarant, ce qui peut sembler étrange pour certains gouverneurs arabes, mais qui est devenu l’angoisse de la majorité des juifs : « Pour Israël, la confiance en la possibilité de demeurer est devenue très mince » ! Ce n’est pas le Jihad islamique, le Hizbullah ou le Hamas qui le dit, ce sont les paroles d’un historien israélien qui décrit la réalité d’Israël, malgré sa force militaire : « …la force nucléaire d’Israël est devenue inutile… » Lorsque la force nucléaire d’Israël devient inutile pour empêcher la société de s’effondrer et de tomber, psychologiquement, le premier ministre sioniste Olmert accourt pour menacer et susciter la peur dans la région, le 11 décembre 2006, parlant de son arme nucléaire, sans pour autant lever le voile sur l’avenir d’Israël lui-même..

Lorsque cet historien déclare que sa confiance dans l’avenir d’Israël est devenue mince, il n’a pas consulté l’avenir sur les paumes ou dans une tasse de café, mais s’est appuyé sur un ensemble de facteurs qui prouvent les signes de vieillesse du projet sioniste et de l’entité israélienne. Bien sûr, le projet sioniste a réussi à installer Israël pour qu’il devienne une patrie ou une entité pour les juifs du monde, mais il n’a pas réussi à la rendre sécurisée comme l’avaient promis les dirgeants de ce projet. Dans le monde entier, le juif peut vivre en paix et bénéficier de la sécurité, mais pas le juif qui vit en Israël. Le projet sioniste a débuté en Palestine, une base à partir de laquelle il devait se déployer pour former le grand Israël, du Nil à l’Euphrate. Où est le grand Israël aujourd’hui ? Il est tombé du fait de la victoire de la résistance islamique, du retrait de l’armée sioniste du Liban en 2000, et même le rêve d’Israël sur toute la terre de la Palestine est fini. Il est tombé avec le retrait israélien de Gaza en 2005, sous les coups de la résistance. Le puissant Israël, qui possède la plus forte armée dans la région, y compris les armes nucléaires, a perdu et a été humilié au cours de la guerre de juillet/août 2006 face à la résistance des combattants du Hizbullah et de la résistance islamique.

Israël aujourd’hui n’est plus le jeune Israël dont la force a atteint l’apogée au cours de la guerre et de l’expansion en 1967. Israël aujourd’hui est un Etat décrépit qui souffre du retour des peuples de la région à la culture du refus absolu de son existence, comme nous l’avons dit. Israël aujourd’hui, souffre du complexe de la résistance et de la présence palestiniennes, qui lui crée une crise existentielle. Israël aujourd’hui n’est plus celui de Ben Gourion, de Dayan, de Rabin et des autres, mais c’est un Israël qui n’a pas de dirigeants politiques et militaires. Certains ont affirmé que Sharon fut le dernier roi d’Israël, et après lui, le pays est tombé…

Israël aujourd’hui, dans le cadre de la mondialisation, souffre d’une crise d’identité et de la faiblesse de la doctrine de sa société où la fuite du service militaire est devenue très visible et sensible dans l’armée israélienne. Le plus grave, pour lui, c’est l’affaiblissement du niveau de l’armée elle-même.. Depuis 1973, que ce soit au Liban ou en Palestine, l’armée israélienne a subi des coups et des défaites, et elle n’est plus l’armée infaillible comme cela se disait avant. Le prestige de l’armée israélienne a été entamé et la force de frappe israélienne a dégringolé à un niveau jamais vu, dans son histoire. Si l’armée israélienne a perdu son prestige, que reste-t-il d’Israël ? Nous savons qu’Israël est une caserne militaire, un Etat militaire dans son organisation et sa vie, l’armée est la population, et la population est l’armée, ce qui veut dire qu’Israël est une armée ayant un Etat et non un Etat ayant une armée. Quand l’armée est défaite, l’Etat est défait.

Historiquement, Israël vit de l’aide étrangère et des rapports de forces internationaux plus que sur ses propres capacités ; cette aide a atteint son apogée dans le cadre du système unipolaire et de la domination américaine sur la politique internationale. Cet unipolarisme est cependant en train de craquer et les rapports de force changeront ; le rêve de l’empire américain, après son échec et sa défaite en Iraq, est en train de s’effondrer, le projet de nouveau moyen-orient n’a pas vu le jour ; Israël vit dans le cadre de la faiblesse, de l’impotence et de la division arabes, mais aussi du manque de volonté et d’initiative arabes officielles pour faire face à Israël, mais cela ne durera pas. Ce qui ne change pas, c’est le regard de la population de la région, envers Israël, pour qui cette entité reste étrangère, coloniale, et refusée. Le refus absolu de sa présence se développe de pair avec le développement des courants islamistes, des mouvements de la résistance islamique en Palestine, au Liban et en Iraq, et du soutien dont ils bénéficient dans la région.

Pour nous, Israël subira le même sort subi par toutes les entités étrangères implantées par les guerres des Francs, les croisés, dans nos pays et il disparaîtra comme elles ont disparu.

Question : Est-ce que la démocratie israélienne représente réellement une démocratie dans la région ?

R. Shallah : Pour répondre à cette question, nous devons prendre en considération deux questions importantes :

La première est quelle est la relation entre la nature du pouvoir en Israël et notre conflit avec le projet sioniste en Palestine ? En d’autres termes, si la nature du pouvoir en Israël était dictatorial ou fasciste, est-ce que cela change notre vision, nous, les Arabes et les musulmans ? Et à l’intérieur du système démocratique lui-même, quelle est la différence pour nous si arrive à la tête du pouvoir Olmert, Barak ou Netanyahu ? Ceux qui ont parié sur l’arrivée de Barak après Netanyahu ont récolté l’amertume de l’effondrement des négociations de Camp David II, car les Israéliens sont les mêmes, et les conditions israéliennes de Madrid à Annapolis durcissent, et parier sur la marge ou les différences entre les partis israéliens, dans leur comportement avec les Palestiniens, est presque impossible, car ils veulent tous garder la terre et les maisons, qui est l’axe principal du conflit en Palestine et dans la région.

Le second point, si la démocratie représente un critère de l’attitude occidentale envers Israël, comme le pensent certains, que signifie cette démocratie pour les occidentaux et les Américains ? Est-ce que la démocratie à l’intérieur peut-elle coexister avec un esprit expansionniste et belliqueux envers l’extérieur, qu’Israël met en pratique depuis sa fondation ? Ou bien Israël est-il conforme à la manière occidentale et coloniale pratiquée par les Etats occidentaux coloniaux, anciens et nouveaux, tel le nouveau colonialisme revenu avec l’invasion américaine de l’Iraq ou de l’Afghanistan, sous le slogan de guerres préventives ? Est-ce que la démocratie fait-elle bon ménage avec le slogan de l’Etat juif, soutenu par Bush et auquel appellent les Israéliens aujourd’hui ? Dans ce cadre, Israël est-il un Etat pour tous ses citoyens ou un Etat pour les citoyens juifs seulement ? En d’autres termes, Israël est-il réellement un Etat « démocratique » ou un Etat « religieux » ? Dans tous les cas, quelle est la situation de la population arabe dans l’Etat d’Israël et de la discrimination raciale que ne nient pas les Israéliens eux-mêmes ? Tout cela signifie que la vraie « démocratie », aux yeux d’Israël et des Etats-Unis, est celle qui réalise les intérêts d’Israël et des Etats-Unis, sans considération aucune pour le contenu et la nature du processus démocratique. Nous savons que les Etats-Unis, dans leur comportement avec les autres, considèrent que leurs propres intérêts constituent le premier critère pour formuler leur politique… Ils ont toujours eu des relations avec des régimes dictatoriaux pour leurs propres intérêts qu’ils placent au-dessus des principes de la démocratie et des libertés des peuples. La démocratie louée dans les régions de l’autorité autonome, dans le cadre de l’occupation, a été refusée lorsqu’elle a amené Hamas… La démocratie qui a amené Ahmadinajad en Iran est refusée aussi, elle est même entièrement refusée parce que l’Iran ne fait pas partie de l’alliance américaine qui admet Israël et veille sur l’intérêt américain dans la région ;

Finalement, il est probable que la démocratie permet à l’entité israélienne d’avoir un mécanisme meilleur pour la passation du pouvoir et l’administration de son conflit dans la région…

Question : Est-ce que la coexistence palestino-israélienne est possible dans le cadre d’un Etat laïc et démocratique unique ?

R. Shallah : L’alternative de l’Etat démocratique et laïc a été proposée par l’OLP à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, mais Israël l’a refusé, et aujourd’hui, on parle beaucoup de l’Etat unique bi-national. Beaucoup pensent que si Israël et les Etats-Unis ont accepté la solution de deux Etats, avec les conditions israéliennes évidemment, c’est par crainte d’arriver à l’Etat unique, surtout que l’équilibre démographique en Palestine sera bientôt favorable aux Palestiniens, certainement et clairement, à partir de 2010, selon certaines estimations. A partir de là, certains pensent que l’adoption de la solution de l’Etat laïc unique constitue la meilleure solution au conflit, dans le cadre de la situation internationale qui n’accepte et ne permet pas l’idée de la libération de la Palestine, qui signifie la disparition ou le démantèlement de l’entité raciste qu’est Israël.

Pour nous, nous n’acceptons pas cette alternative, pour plusieurs raisons :

1) D’abord, elle accorde à Israël et aux Juifs la légitimité de leur présence sur la terre de la Palestine, légitimité qu’ils n’ont pas. La nation a lutté, dès le début, sur la base de l’illégitimité de la présence sioniste en Palestine.

2) propager cette alternative supprime la culture de la lutte et de la résistance, et propage la culture de la soumission au fait accompli et à se préparer à vivre avec Israël, au moment où Israël refuse cette question et poursuit son agression pour consolider son projet en fixant Israël en tant qu’Etat purement juif.. Ce qui signifie qu’Israël prendra des défenseurs de cette alternative la reconnaissance de sa légitimité et de son droit à l’existence sur toute la Palestine, pour que notre terre et notre patrie la Palestine deviennent une seconde Andalousie, où Israël se consolide sur ses ruines en tant qu’Etat stable et sûr, en n’ayant pour d’autre but ou espoir que le fait d’y être acceptés, en tant que sujets, même de dixième zone !

3) je ne pense pas que la laïcité peut régler ce conflit saturé de symboles religieux, des deux côtés… Israël a été fondé et continue à utiliser les signes bibliques, talmudiques et les mythes pour les mettre au service du mouvement sioniste et créer Israël, et en face de cette invasion, l’arabité et l’islamité de la Palestine ont été affirmées. Le bagage religieux constitue, pour les deux parties, une force de mobilisation importante dans le conflit, du côté sioniste, pour attaquer et du côté palestinien, pour se défendre et résister. Que fait la laïcité de l’Etat unique avec l’arabité et l’islamité de la Palestine dans les cœurs et les consciences arabes et islamiques ? Comment se débarrasse-t-elle de « la judaïté » de l’Etat dans la conscience israélienne et le projet sioniste ? Qui peut convaincre un laïc en Israël, avant le religieux, de devoir abandonner une partie non négligeable des mythes fondateurs de cette entité, ou d’abandonner l’idée de la reconstruction du temple présumé sous la mosquée al-Aqsa ? En face, est-ce que le plus laïc parmi les musulmans ou les arabes peut abandonner une seule pierre de la mosquée al-Aqsa, ou de l’église de la Nativité ou du St Sépulcre ?

Ce conflit est assurément saturé de symboles et de croyances religieuses et idéologiques, et la démocratie laïque ne peut constituer un cadre pour le résoudre, surtout qu’Israël n’a pas occupé la Palestine au moyen des urnes, mais par le fer et le feu, en tuant et en expulsant son peuple vers toutes les parties du monde…. La solution est, à notre avis, de poursuivre le conflit, même par les moyens les plus simples, jusqu’à relever la nation et modifier le rapport de force..

Au cours de l’intifada des pierres, en 1987, le peuple palestinien a adressé un message très profond à Israël, et à tous ceux qui le soutiennent dans le monde, ce message dit que cette entité, son occupation et sa spoliation de notre terre et de notre partie sont refusées. Nous devons y résister par tous les moyens, et nous ne pouvons coexister avec…. La génération qui a grandi sous l’occupation a étonné le monde parce qu’elle se bat contre Israël, parce qu’elle poursuit ses soldats avec des pierres comme on poursuit un voleur en fuite. Mais la signification encore plus profonde, c’est que nos enfants ont lapidé Israël avec des pierres et le châtiment de la lapidation, dans notre culture et notre loi, est réservé à l’adultère. Israël est, aux yeux des peuples de la région, celui qui a commis l’adultère envers notre géographie, notre histoire et il mérite la lapidation et le châtiment jusqu’à la mort et la disparition de la carte de la région, pour que la Palestine revienne dans la géographie et l’histoire.

Q. Est-ce que les Etats-Unis peuvent se situer autrement que dans le rang israélien, ou être un juge équitable dans le conflit arabo-israélien ?

R. Shallah : Je ne pense pas que les Etats-Unis, dans les conditions régionales et internationales actuelles, puissent être autrement que dans le rang israélien et je doute qu’ils puissent l’être dans tous les cas, plusieurs facteurs historiques et réalistes nous amènent à le dire.

Sur le plan doctrinal, Israël est issu de la civilisation occidentale,…car la civilisation occidentale est saturée de l’esprit juif, tout comme Israël est saturé de l’esprit occidental ou américain. Quant à ce qu’on appelle la tradition judéo-chrétienne, elle a fait du soutien à Israël, en occident, et plus particulièrement aux Etats-Unis, une question qui ne se limite pas aux anglicans ou ce qu’on appelle les chrétiens sionistes ; du point de vue doctrinal et historique, les Etats-Unis voient dans Israël leur propre enfance, à cause de la manière dont les Etats-Unis se sont formés en tant qu’Etat, la réalisation de la prophétie biblique comme l’ont cru les pères fondateurs des Etats-Unis, au moyen des colons blancs venus au détriment des habitants autochtones du pays, les Indiens, exterminés par les nouveaux colons. C’est la même manière utilisée pour fonder Israël, la différence toutefois étant que les Palestiniens ne sont pas les Indiens, ils furent massacrés et expulsés, et non entièrement exterminés…

Historiquement aussi, nous savons que le président américain Truman a reconnu Israël onze minutes après la déclaration de la fondation d’Israël, le vendredi 14 mai 1948, puis les reconnaissances internationales se sont succédées… ce qui confirme que les Etats-Unis furent la sage-femme pour la naissance de l’Etat juif après que la Grande-Bretagne ait semé la graine par la déclaration Balfour en 1917.

La protection occidentale et américaine de l’Etat d’Israël s’est poursuivie dès le premier instant de sa naissance… Mais les Etats-Unis ont occupé la première place dans le soutien et la protection d’Israël au cours des décennies passées, le soutien multiforme et illimité à Israël, le veto face à toute résolution internationale dénonçant Israël ou faisant justice aux Palestiniens, la menace américaine envers toute partie dans la région et dans le monde qui menace Israël et qui tente de lui faire échec. Décrire la relation entre les Etats-Unis et Israël comme une alliance ou un partenariat, n’est pas précis et reste insuffisant.. Israël est presque le 51ème Etat américain au Moyen-Orient.

Quant à la discussion qui a lieu dans la région et le monde, après la chute de l’Union soviétique, et l’instauration du système mondial unilatéral, à propos de l’importance d’Israël pour les Etats-Unis, se demandant s’il constitue un apport ou un poids stratégique, les évenements ont prouvé que la discussion n’a aucune valeur… jusqu’à présent, il a lieu aux Etats-Unis, et sa dernière expression est probablement l’article puis le livre sur le lobby israélien, écrit par deux professeurs israéliens, Stephen Walt de Harvard et John Mirchaymer de l’université de Chicago, qui tentent de prouver que le soutien américain à Israël ne sert pas l’intérêt américain, et que les intérêts et la politique américaine vont tous dans le sens de l’intérêt d’Israël et sa sécurité et non le contraire… Cet état d’esprit existe aux Etats-Unis, mais dans un cercle très étroit et limité, et ne peut traduire le point de vue américain, tant que les ennemis d’Israël dans la région ne menacent pas les intérêts américains et qu’ils ne l’obligent pas à choisir entre leurs intérêts avec les Arabes et les musulmans ou la protection d’Israël… La réalité arabe ne se limite pas à son incapacité à produire cette équation, mais le régime arabe, dans sa majorité, se pose lui-même dans le panier américain et constitue avec lui une alliance et un partenariat dans la région, dont la principale priorité consiste à protéger l’existence et la sécurité d’Israël. Le rôle ou la position américaine, à notre avis, que ce soit les républicains ou les démocrates à la Maison Blanche, va accentuer l’alignement envers Israël, son soutien et sa défense, parce qu’il bénéficie d’une couverture et d’un soutien arabes, et notamment d’Etats dont le rôle est central, malheureusement, et nous ne voyons pas, à long terme, une administration américaine non alignée envers Israël.

Question : Est-ce que les stratégies actuelles, palestinienne d’une part et arabe de l’autre, sont-elles parvenues au niveau d’affronter le danger représenté par la stratégie israélienne ? Quelles sont vos propositions pour les ou la modifier si elles ne sont pas au niveau de la confrontation ?

R. Shallah : Il n’y a pas, malheureusement, de stratégie palestinienne ou arabe pour affronter Israël. La stratégie palesitnienne officielle, ou celle de la présidence de l’Autorité et de l’OLP, menée par Mahmoud Abbas, s’est achevée sur une seule expression, la négociation.. Il semble que ce soit la négociation pour la négociation, en toutes conditions et circonstances, quels que soient les actes commis par Israël, les crimes commis et le sang palestinien écoulé, cela qui n’empêche pas le président de l’Autorité à se rendre à al-Quds occupée, avec toute la symbolique qu’elle représente, de rencontrer le premier ministre sioniste, Olmert, de l’embrasser et de lui serrer chaleureusement la main, alors qu’elle est plongée dans le sang palestinien, à Gaza, Nablus, Jénine et autres villes, villages et camps palestiniens ! S’il ne s’agit pas de négocier pour négocier, le cas est pire, car cela annonce des accords et des nouvelles catastrophes pour le peuple palestinien, comme les accords d’Oslo, et même pire !

Quant à la stratégie arabe, si nous pouvons l’appeler ainsi, c’est d’accepter ce qu’acceptent les Palestiniens, pas tous, mais les gens d’Oslo, et le soutien à la légalité palestinienne, à leurs yeux, représentée par le président de l’Autorité, Mahmoud Abbas. Ce ne signifie le retrait de tout engagement envers la Palestine et sa cause centrale, et envers son peuple arabe et musulman.

S’il est nécessaire d’évoquer comment modifier ces positions, nous devons d’abord parler de la stratégie israélienne en cette étape… Nous savons que la stratégie actuelle d’Israël s’appuie sur plusieurs piliers, les plus importants étant :

1 – assurer le devenir d’Israël et consolider son existence en tant qu’Etat naturel et central dans la région, jouissant d’une supériorité militaire, économique, civilisationnelle qui lui garantit la domination et la souveraineté incontestées sur la région.

2 – Nouer des relations de voisinage avec le milieu arabe sur la base de la reconnaissance d’Israël et la normalisation avec lui, et empêcher toute stratégie arabe basée sur l’hostilité à Israël et empêcher les arabes et les musulmans de s’unir, de posséder toute puissance ou capacité menaçant l’existence d’Israël, notamment la capacité nucléaire.

3 – Reprendre la force de frappe et le prestige israéliens, en faisant face et en liquidant ce qui menace l’existence d’Israël, représentée par les forces de la résistance et du refus dans la région, représentée à leur avis par l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique et les forces de la résistance en Palestine et toutes les forces vives de la région.

4 – Imposer la solution israélienne dans le conflit sur la Palestine, en aidant une entité chétive, dépendante et au service d’Israël, dont la tâche serait de protéger sa sécurité, et liquider toute résistance palestinienne actuelle et future.

Mais il n’y a pas de stratégie arabe pour faire face à cette stratégie… L’adoption par les Arabes du choix de la paix ou du règlement comme choix stratégique, Israël l’a depuis longtemps considérée comme signe de faiblesse, d’incapacité ou de non souhait d’affronter.. Six ans après l’initiative arabe, et les Arabes répondent au refus d’Israël de cette initiative en la proposant de nouveau ! Celui qui souhaite faire la paix ne doit pas laisser tomber le choix de la guerre, mais doit s’y préparer, comme le fait Israël ! Mais le choix unique et l’insistance à adopter la paix comme choix stratégique, ne signifie pour l’esprit israélien que le fait que le régime arabe a depuis longtemps levé le drapeau blanc, et qu’il vit dans un état de soumission au projet israélien et américain dans la région… Cette position arabe s’appuie sur une équation fixe dans l’esprit de la plupart des dirigeants, s’ils veulent préserver leurs trônes et rester à la tête du pouvoir, ils doivent obtenir la satisfaction de Washington, et ne doivent pas alors s’opposer à la stratégie américano-sioniste dans la région, mais y collaborer et être en symbiose avec elle, et même à son service…

A partir de là, nous ne pouvons parler de la possibilité de mettre une stratégie arabe pour faire face à la stratégie sioniste et américaine dans la région que si les dirigeants réalisent que le soutien à Israël ou le silence sur ses crimes, le soutien aux intérêts américains et à la stratégie américaine dans la région n’est pas dans leur intérêt, en fin de compte.

La stratégie américano-sioniste est un projet colonial pour faire exploser la région… La liquidation des forces de la résistance et du refus dans la nation, et le soutien et la protection d’Israël sont une équation que ne peuvent accepter les masses de cette nation, même si elles sont exténuées ou marginalisées. Ce que prépare Israël pour les forces vives de la nation nous fait dire que le déluge est prochain, le moment de vérité et l’explosion de la région sont prochains. Celui qui s’imagine qu’il est à l’abri ou qu’il sera sauvé se fait des illusions. Le déluge et les tempêtes emporteront tout le monde, et se préparer à l’affronter réclame un éveil, plutôt un choc dans la conscience arabe. C’est le premier pas réclamé pour formuler une stratégie arabe et palestinienne officielles, afin de modifier l’image inversée dans la vision des arabes d’eux-mêmes et de leur ennemi dans la région… La stratégie arabe est aujourd’hui inversée et il faut renverser la conscience et l’attitude arabes pour modifier la politique et la stratégie arabes et commencer à dessiner à nouveau la carte politique, en précisant qui est l’ennemi et qui est l’ami. Il faut éviter que quiconque appartenant au système arabe entre dans une alliance américano-sioniste pour faire la guerre contre les forces de la résistance et du refus, dans la nation, au profit d’Israël… il ne faut pas inventer une illusion qui s’appelle « le danger iranien » dans la région, et se fermer les yeux face au « danger israélien » qui est clair et qui nous fait suffoquer, qui mord notre présent et menace et confisque notre avenir.. Il ne faut pas qu’on nous invente un ennemi à l’intérieur de la maison palestinienne, telle ou telle organisation, et nous convainque que nous avons un voisin ou un ami dans la région qui s’appelle Israël.

Si les Arabes se réveillent de l’état de cette image inversée et du brouillage des concepts, où nous ne pouvons distinguer l’ennemi de l’ami, la stratégie de la confrontation peut être formulée, et les détails peuvent être discutés et il sera facile de s’y mettre d’accord. L’essentiel au début est de définir où poser les pieds, tu es avec ton peuple et ta nation ou avec ses ennemis ? C’est la question posée et qui attend la réponse de toutes les parties dans le régime arabe, aujourd’hui.

Source : Watan – Oman / Sharq – Qatar. Traduction CIREPAL

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